Seine-et-Marne : quand une municipalité se substitue à une copropriété
Face à la gare de Thorigny-sur-Marne, l’immeuble construit entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle a connu une certaine splendeur, si l’on en croit les cartes postales d’époque et le récit qu’en fait un habitant. Mais les grandes fissures qui lézardent sa façade témoignent de sa dégradation. En septembre 2010, suite à d’importantes pluies, un des quatorze logements de l’immeuble est évacué par les pompiers. L’enveloppe du bâtiment n’étant plus étanche, ils craignent un risque électrique pour les occupants et l’effondrement d’un plafond.
(extrait des Cahiers de l'Anah n°144)
Une copropriété en danger
Face à la gare de Thorigny-sur-Marne, l’immeuble construit entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle a connu une certaine splendeur, si l’on en croit les cartes postales d’époque et le récit qu’en fait un habitant. Mais les grandes fissures qui lézardent sa façade témoignent de sa dégradation. En septembre 2010, suite à d’importantes pluies, un des quatorze logements de l’immeuble est évacué par les pompiers. L’enveloppe du bâtiment n’étant plus étanche, ils craignent un risque électrique pour les occupants et l’effondrement d’un plafond.
Photo Éric Sempé
Des mesures progressives et concertées
Un arrêté de péril imminent puis ordinaire est pris par la Ville et des travaux sur les toitures, le chéneau et sur le plancher entre les deux appartements concernés sont exigés. "Nous savions que ce secteur posait problème, il faisait l’objet d’une veille. Mais au départ, nous alertons, nous n’intervenons pas directement, nous accompagnons les démarches nécessaires, précise Gaïd Pires, directrice générale adjointe du service Juridique Urbanisme Techniques de la Ville. Avec l’arrêté de péril, nous avons fait intervenir un expert désigné par le tribunal administratif."
Une fois l’arrêté pris et notifié, le syndic de l’immeuble se doit d’engager les travaux, dans des délais impartis. Ces derniers sont donc mis en oeuvre mais, dans le même temps, des locataires se plaignent de l’état de leur logement auprès de la mairie, laquelle transmet le dossier à l’agence régionale de santé (ARS). S’ensuit alors une série d’enquêtes et d’expertises qui concluent, en janvier 2012, à des infractions au règlement sanitaire départemental (RSD) et à l’urgence d’effectuer de nouveaux travaux sur deux autres planchers. Finalement, un nouvel arrêté de péril est prononcé. Mais la situation semble bloquée quand, en décembre 2012, l’assemblée générale des copropriétaires rejette les travaux pourtant obligatoires. Dès lors, la mairie décide d’enclencher une procédure de travaux d’office qui lui fait endosser, jusqu’à la levée du péril, le rôle de maître d’ouvrage.
Photo Éric Sempé
Une procédure coercitive...
La municipalité fait alors appel à une architecte, Mme Guerrat, pour évaluer la nature des travaux à réaliser et leur coût ainsi que le suivi du chantier. Elle supporte dans un premier temps les 50 000 euros budgétisés pour la reconstitution totale d’un plancher et la consolidation d’un autre (tous deux impactent trois logements). Mais afin d’être remboursée par les copropriétaires, elle inscrit à la conservation des hypothèques des privilèges spéciaux immobiliers à titre prévisionnel, puis définitif, pour les créances de travaux et de relogement.
Parallèlement, la Ville sollicite l’Anah pour financer 50 % des travaux. Déposé en mars 2013, le dossier est validé en juillet. Les travaux sont réalisés sans attendre, dans le courant de l’été de la même année. "La procédure, rare dans notre département, s’est déroulée avec une grande efficacité et en un temps record", salue Dimitri Claveau, chef de l’unité Parc privé, habitat indigne et publics spécifiques à la direction départementale des territoires de la Seine-et-Marne (DDT 77). Ce que corrobore Christine Moniot, en charge du dossier à la DDT, qui souligne, outre le rôle essentiel de l’Anah dans la résorption de l’habitat indigne, celui, déterminant, des collectivités locales dans le repérage et le traitement de ces situations délicates.
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... finalement incitative
Après cette opération, les locataires des trois appartements concernés par les travaux ne sont pas revenus dans l’immeuble. Soit ils ont été relogés, en lien avec le CCAS (centre communal d’action sociale) de la ville, soit ils ont pris eux-mêmes des dispositions. Quant aux quatorze copropriétaires – qui ont presque tous fini de rembourser la municipalité –, ils réfléchissent aujourd’hui à un ravalement de façade et à une isolation par l’extérieur, pour laquelle l’Anah pourrait être à nouveau sollicitée.
"Les copropriétaires ont très bien accepté la procédure, ils auraient même souhaité que les travaux aillent plus loin", précise Mme Guerrat. Et Gaïd Pires de préciser : "La copropriété semble se porter beaucoup mieux, le dialogue est renoué alors qu’il était bloqué. Certains ont vendu depuis, d’autres disent avoir tiré les leçons de cette expérience malgré tout difficile et s’en trouvent plus responsables. En effet, plus qu’un problème d’insolvabilité, les propriétaires ne percevaient pas l’intérêt d’entretenir régulièrement et correctement leurs biens immobiliers…" L’important travail de pédagogie réalisé par les services municipaux est ici récompensé, de même que le partenariat étroit noué entre la commune et l’Anah.
Photo Éric Sempé